Je ne suis pas certain que se soit un phénomène isolé dans notre pays, le Canada. J’imagine que non, ça doit être aussi un fait qui se vit à d’autres endroits. J’ai le pressentiment que ce phénomène est susceptible de se manifester partout où les gens utilisent deux ou plusieurs langues pour communiquer entre eux. De plus, probablement qu’avec les années, les groupes linguistiques en place s’influencent entre eux, même au point de voir dissoudre certaines de leurs caractéristiques qui permettaient de les distinguer. En ce qui concerne les mots, est-il vrai que la langue anglaise soit très attrayante pour les francophones ?
On ne peut pas se le cacher, il suffit d’examiner le langage quotidien des personnes qui se définissent comme étant francophones pour constater une utilisation consciente, ou parfois inconsciente, de la langue anglaise.
Pour ma part, j’avoue que j’utilise fréquemment ces mots empruntés, ou encore, dérobés, à notre langue voisine.
Il suffirait de porter une attention particulière à ce que j’écris et à ce que je dis toute au long d’une journée pour me le rendre à l’évidence. Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, évidence est un nom féminin qui provient de l’anglais evidence. Son équivalent en français aurait pu être preuve ou pièce à conviction. Vous pourriez vous amuser à relire mon texte, il en abrite peut-être d’autres…
Devrions-nous être effrayés de ce mélange de deux langues? Mireille Lapensée, une collègue de travail, a bien résumé la situation dans le communiqué de presse qu’elle a envoyé aux médias : « Les Canadiens francophones sont coincés entre deux exigences essentielles: celle de protéger l’intégrité de leur langue dans un pays où la majorité est anglophone, et celle de reconnaître qu’une langue est en évolution perpétuelle. »
Pierre Cardinal, docteur en linguistique de l’Université de Paris-Sorbonne et professeur honoraire à l’Université du Québec en Outaouais a effectué un excellent travail en ciblant ces mots, où la langue anglaise et française s’est entrelacée dans le langage écrit. Pour vous donner une idée de l’ampleur du phénomène, son nouveau dictionnaire intitulé Le VocabulAIDE à près de 700 pages. C’est beaucoup de mots 700 pages! Cependant, il faut se rassurer, parce que comme le docteur le mentionne dans un entretien que nous discuterons plus en profondeur dans un autre paragraphe de ce billet, la présence de l’anglais dans la langue française est minime, soit environ 4 ou 5 % du vocabulaire.
Le VocabulAIDE fait la présentation descriptive et non culpabilisante, d’une sélection de vrais anglicismes. Tous les mots et expressions traités sont illustrés par des exemples authentiques relevés dans les principaux journaux du pays, accompagnés du mot anglais qui a influencé le français et de leurs équivalents en français général. L’auteur ajoute un certain nombre de prétendues influences de l’anglais qui ne l’ont jamais été, de faux anglicismes en somme. Ce petit dictionnaire novateur a essentiellement deux objectifs : d’abord de contribuer à modifier radicalement notre conception idéologique des influences lexicales de l’anglais sur le français; et ensuite d’en rénover fondamentalement la présentation.
Pour agrémenter le lancement de son livre, docteur Cardinal a accordé un entretien à l’émission Divine Tentation diffusée sur la chaîne de Radio-Canada. L’entretien a aussi été déposé sur le Web ici. Au cas où vous oseriez douter de la crédibilité et de l’expertise de cet homme, l’animatrice débute l’entrevue en le présentant comme un moine de la langue française. En effet, l’animatrice l’a bien mentionné, Cardinal s’intéresse à la langue française depuis plus de 40 ans. Pour en revenir à mes questionnements du début de ce billet, à savoir si le Canada est le seul pays où la langue française subit une forte influence anglaise, Cardinal affirme que non. Selon cet expert en linguistique, la pression que l’anglais applique sur les autres langues est présente dans plusieurs régions du monde. À ses dires, son ouvrage ne vise pas à armer les francophones pour contrer cette pression, d’ailleurs il porte une attention particulière pour ne pas utiliser le terme « anglicisme », car le terme contient des connotations négatives, mais à les ressourcer afin d’enrichir leur lexique. Bref, ce que nous apprend le docteur dans l’entrevue est que l’intention derrière son ouvrage n’est pas de dicter au francophones comment ils doivent s’exprimer ; l’intention est de leur fournir les informations nécessaires pour les aider à effectuer des choix éclairés dans le but d’élargir l’éventail des possibilités qui s’ouvre à eux dans la langue française pour exprimer ce qu’il aurait normalement exprimé en effectuant un emprunt à l’anglais.
Pour plus d’information sur ce livre, consulter le site web des Presses de l’Université d’Ottawa.